Des semaines que nous chevauchons, revenant des Terres Sauvages du Rhovanion, là où la menace des orcs et autres créatures du même acabit se fait de plus en plus pressante. Nous aurions pu les combattre durant encore des jours, des semaines ou des mois, probablement sans faire beaucoup de dégâts dans leurs rangs - mais ne dit-on pas qu'un orc tué est toujours un orc de moins à faire des dégâts? - mais une mission plus importante encore nous appelait à Imladris. Alors nous avons pris congé de nos compagnons de bataille, menant nos montures vers la Lorien, ne nous y arrêtant que le temps d'une nuit avant de remonter le cours de l'Anduin jusqu'à rejoindre la Vieille Route de la Forêt. Une chevauchée qui se passa sans encombres si l'on oublie la boiterie de ma monture, qui nous força à ralentir l'allure. Un contretemps sans lequel nous aurions bien composé, mais à défaut de pouvoir changer de montures en cours de route ou lui laisser le temps de se rétablir correctement, le minimum était de ne pas l'abimer davantage encore.

C'est donc avec un peu de retard sur ce que nous avions convenu que nous franchissons les portes d'Imladris, laissant nos montures aux écuries, aux bons soins des meilleurs soigneurs que l'on puisse trouver de ce coté-ci des Monts Brumeux. Ceci fait, je ressors à l'air libre, prenant enfin conscience de l'agitation qui semble régner dans notre cité natale.

"Si j'avais su que Père aurait organisé une fête pour notre retour, j'aurai poussé davantage Asbeth."

Je pousse Elrohir un peu rudement, avant de prendre la direction des hauteurs de la cité et de nos appartements. S'il se passe effectivement quelque chose en ville, la moindre des choses est de s'y présenter décemment, et pour se faire, la première chose est de se débarrasser de la poussière du voyage et de se vêtir proprement...

Des semaines que nous chevauchions. Nous avions traversé les Terres du Milieu d'est en ouest; nous avions du laisser nos amis qui eux combattait toujours, pour répondre à l'appel de notre père. Le cheval de mon frère s'était mit à boitier suite à la dernière bataille, ce qui avait ralentit notre allure. Le mien, comme son maître probablement, avait encore soif de sang d'orques et il avait besoin de se dépenser. Nous allions être quelques jours à Imladris une fois arrivée, nous aurions tout le loisir de le laisser se défouler.

Nous avons finit par arriver à destination. Nous avons fait quelques pas dans la cité et tout de suite la joie de revoir cet endroit s'insuffla en moi. L'odeur des pins, même l'odeur dans les écuries était significative. Elladan fut le premier à descendre, je le rejoignais bien vite.

- Ah! Enfin à la maison!

Nous ne venions ici que très rarement, mais le plaisir n'en était par conséquent que plus grand.
Il me pousse et je chancèle ne m'attendant pas à cela, pourtant avec lui je devrais le savoir, mais j'avais la tête ailleurs, pleine de souvenir qui ne refusait surface ici, puisque je m'efforçais de ne pas y penser ailleurs.
Je souris à mon frère, ne prenant pas mal son geste. J'aurais pu le faire en d'autre circonstance. Il avait simplement voulu me rappeler à la réalité je suppose.

- Comme si c'était possible!

Je le suis pourtant lorsqu'il se dirige vers nos appartements. Nous prenons chacun le chemin pour une bonne douche. Nous nous en passons aisément lors de nos parties de chasses, mais c'est comme revenir ici, c'est appréciable lorsque cela arrive. Je profite donc un maximum de l'eau chaude déliant mes muscles, enlevant la poussière accumulés depuis un certain temps, lorsque j'entends qu'on frappe à la porte.
Je sors finalement de la douche et c'est une elfe qui vient m'apporter des vêtements propres et adapté à la vie ici. Fort jolie, je ne m'attarde cependant pas sur elle pour l'instant, j'ai bien d'autre chose à penser, mais plus tard …
Je m'habille tranquillement avant de rejoindre mon frère. Nous prenons tous les deux la direction de la salle principale.

- Je meurs de faim ! lui dis-je avec un large sourire.

J'ignore si Arwen est présente. J'aimerais pouvoir passer un peu de temps avec elle si c'est le cas, nous verrons bien. Il y a un monde fou. Elladan suggérait tout à l'heure que ce puisse être pour nous, j'ignore quoi en penser, même si intérieurement, le petit garçon qui aimait que l'attention se porte sur lui en serait ravi.

Un bain, ailleurs que dans le courant froid d'une rivière. Un luxe d'Imladris dans lequel je resterai bien ad vitam aeternam. Il faut bien qu'un prince ai ses petits plaisirs une fois rentré chez lui. Certains recherchent l'or, d'autres à être admirés de leurs pairs... Elrohir et moi savons profiter des petits plaisirs simples qu'offre notre cité natale. Enfin, après ce qui me semble trop peu de temps et une éternité à la fois, je finis par en émerger, laissant de coté l'armure et la tunique fatiguées de mes dernières semaines de chevauchée pour un atour qui me convient bien moins mais a au moins l'avantage de sentir le linge propre. Cela fait, je m'attarde une seconde au balcon de mes appartements, observant la cité en contrebas, et l'agitation peu habituelle qui y règne. Quelques balbutiements d'oiseaux parvenant à se faire entendre par dessus les chants et les rires de ceux qui, un jour prochain, seront sous ma responsabilité... notre, responsabilité. Elrohir peut bien se dissimuler derrière mon ainesse, si Père décide un jour de nous léguer cette cité, je compte bien que nous la tenions à deux.

Parlant de l'elfe, je sens bientôt sa présence à ma porte, et me retourne vers lui, reprenant un sourire cherchant à m'éviter la question "A quoi pensais-tu?". Une tactique qui n'a pourtant jamais fonctionné avec mon double.
"Prend garde à ne pas te changer en Hobbit avec de telles exclamations. Je jurerai que je suis plus grand que toi à force."
Je m'attarde à proximité d'un miroir pour remettre en place le col de mon manteau, concluant qu'il y a pire comme tenue. Davantage un habit de voyage sans histoires que d’apparat, mais Père devra se contenter de cela pour aujourd'hui.
"D'ailleurs, tu devrais arrêter de la regarder d'aussi loin. Je vais finir par être jaloux."
En des temps reculés, j'aurai tout aussi bien pu forcer la main de mon frère en me servant de cette ressemblance que peu parviennent à déjouer. Pour le doubler? Certes non, j'ai bien d'autres chats à fouetter que la beauté des femmes elfes de cette cité. Mais pour jouer les entremetteurs, peut-être. J'adore avoir mon frère à mes cotés sur le champ de bataille, bien sur, mais une part de moi estime qu'il serait bien plus en sécurité à Imladris et en bonne compagnie. Cependant, les années ont passé depuis que ce Elladan un peu stupide sur les bords a pris une autre voie.
"Alors vas-y ou j'y vais."
Peut-être pas si loin de la surface, en vérité...

- T'étais où là ?

Qui pensait-il pouvoir tromper ainsi avec son petit sourire en coin ? Pas moi j'espère!
Et bien quoi j'avais faim c'était la vérité ! En réalité je crois que je m'adaptais très bien aux affres de la vie en général. Lorsque nous étions à la chasse aux orcs il ne m'était pas difficile de manger ce que nous trouvions, c'est à dire parfois pas grand chose. Mais une fois ici, rien que les bonnes odeurs se dégageant des cuisines me faisaient rêver; mon estomac s'agrandissait à vu d'œil. J'entends mon ventre gronder.

- Oh oui un hobbit ! Tu m'imagines : petit et gras! Je vais tacher de ne manger que de la salade dans ce cas, mais il va m'en falloir des kilos je te préviens!

Je n'avais rien contre les hobbits; croyez bien que si des elfes arrivent à s'entendre avec des nains, les hobbits ne sont pas grand chose à côté, c'était une simple petite boutade.
Il se tourne vers son miroir. Je me mets derrière lui.

- Propre comme un sous neuf. Nous devrions y aller, ils doivent nous attendre. L'annonce de notre arrivée n'a du faire qu'un tour.

Lui aussi lit en moi comme dans un livre ouvert. C'est vrai qu'elle est jolie et que plus jeune j'aurais surement foncé dans le tas quitte à mettre la soirée de mon père en péril, mais j'avais plus de deux milles ans et quoique j'en dise je m'étais un peu posé avec le temps, un tout petit peu. Et bien que le regard noir de mon père à mon égard reste très drôle, je tiens à aller à cette petite fête sur mes deux jambes, nous verrions plus tard.

- Oh et bien j'ose espérer qu'elle sera à cette fête vois-tu ? Alors dépêche toi, que l'on puisse passer les banalités d'usage pour s'amuser un peu.

Je lui trouverais bien au fil de la soirée une jolie donzelle avec qui profiter un peu.
Il n'était pas courant pour un elfe de draguer plusieurs demoiselles, mais n'oublions pas notre sang humain bouillonnant dans nos veines. Si ils savaient les pauvres ce qu'ils manquaient. Bon ok j'arrête là, si mon père lit mes pensées je suis fichu. Comment ça il n'a pas le pouvoir de lire mes pensées ? Vous êtes sûrs ? Pourtant j'en suis persuadé depuis tout petit, sinon comment aurait-il deviner que c'était nous a chaque fois pour les bêtises ? Ein ? Vous ne savez pas quoi me répondre ein!

Je le pousse vers la sortie. Oui chacun son tour. Nous nous dirigeons vers la salle des festivités. En passant nous apercevons bien du monde qui nous était inconnu : des hobbits, des hommes … Que faisaient-ils donc tous ici ? Il y avait tellement de monde dans les environs que je peinais à entendre l'eau s'écouler des fontaines un peu partout autour de nous.

"Nulle part. Il semble qu'aujourd'hui soit jour de fête, alors, laissons mon esprit troublé loin d'ici, veux-tu?"

Elrohir possède une capacité d'adaptation à son milieu qui me dépassera toujours. Si semblables et parfois si différents, je crois que c'est là le secret le mieux gardé de notre duo. Son enthousiasme convainc les gens par sa véracité. Pour ma part, mon cœur est perpétuellement en guerre, et j'imagine que s'il n'y avait mon frère, je ne saurai prendre de repos dans ce combat interminable. Pour lui, je maintiens l'illusion à la face du monde. Et il semblerait qu'après quelques jours à Imladris, l'illusion parvienne à être réelle, même à mes propres yeux.
Je lui offre un sourire plus franc, ma main s'abattant lourdement sur son épaule alors que je me retrouve malgré moi à imaginer la vision qu'il m'offre.

"Si j'étais toi, je prendrais gare à ne pas le dire trop haut. Imagine que Maitre Bilbon se trouve dans la cité précisément au même moment... Je crois qu'il te ferai tester la gastronomie façon hobbit."

Son regard vient croiser le mien à travers le miroir, donnant l'image assez étrange de quatre elfes identiques se regardant les uns les autres. Notre gémellité nous rend déjà uniques parmi les nôtres - bien que nous ne soyons pas les premiers de la lignée -, alors davantage... vraiment étrange.

"Crois-tu qu'un jour nous parviendrons à revenir ici sans que Père soit au courant de notre arrivée avant que nous ne descendions de selle?"

Je me fais littéralement mettre à la porte de mes propres appartements par Elrohir, désireux de ne pas perdre de temps avant d'aller voir ce qu'il en est de ces festivités. Pour ma part, je suis plus réservé. De mémoire, la dernière fois que la cité m'a parue aussi animée... il y avait treize nains et un hobbit en son sein... sans oublier Mithrandir et ses sombres nouvelles. Et je pense ne pas m'être trompé de loin lorsque, arrivant au milieu de la foule, nous croisons des hobbits, ainsi que des hommes.

"Crois-tu que..."

Je croise le regard de mon frère avant de changer de direction, descendant un escalier jusqu'à une terrasse inférieure, et ainsi de suite jusqu'à retrouver une zone moins encombrée de la cité. Ces hommes ne sont pas Dunedain, mais s'il y a une chance que Estel soit des leurs, alors, je sais où le trouver. Si mon frère me suit? Libre à lui d'en décider ainsi.

J'acquisse lorsqu'il me demande de laisser ses pensées sombres où elles sont. Je palis bien vite quand il évoque Bilbon et son penchant pour la bonne nourriture comme chez n'importe quel hobbit. Il en serait bien capable le bougre...

- Tu crois vraiment que … enfin il ne ferait quand même pas ça… si ?

Je ne crois pas que notre père puisse ignorer quoique ce soit qui est lieu dans sa cité, alors encore moins l'arrivée de ses fils. Nos regards se croisent et nous voilà à faire discussion non plus à deux mais à quatre.

- Non impossible; j'en ai bien peur.

Nous sortons enfin de ses appartements. Je le pousse un peu, mais si peu qu'il ne m'en tiendra pas rigueur, ou peut-être que si, peut importe. J'ai envie de m'amuser et si cela peut se faire avec cette charmante elfe croiser quelques instant plutôt autant ne pas louper une occasion. C'est sans compter sur mon frère bien sur qui vire de bord dès l'instant que nous croisons des hobbits et des nains près à rentrer dans la salle prévue pour les festivités. Il ne finit pas sa phrase et j'ignore sur le coup où il veut en venir, je suis bien trop préoccupé par autre chose. Pourtant, non sans râler un instant, je finis par le suivre et en voyant où il se dirige je comprends où il veut en venir.

- Qu'Estel vienne ici signifierait que notre sœur y est probablement aussi… Mais cela n'explique pas la présence des hommes et des hobbits juste au dessus… Cela n'attise donc pas ta curiosité ?

J'aimais charrier Arwen la dessus. J'avais confiance en Aragorn, il le niait aujourd'hui, mais un jour il retrouverait sa place sur le trône du Gondor comme le souhaitait mon père afin de lui donner la main de notre sœur. La nouvelle m'avait fait sourire à l'époque, mais je connaissait cet homme et je savais de quoi il était capable.

- Il n'oserait pas faire faux bon à notre père, il est probablement déjà à ses côtés pour la fête. Elladan nous devrions remonter.

J'ai beau dire cela, je le suis toujours, ses pas nous menant plus profondément encore dans la cité, jusqu'à arrivée devant une statut et une épée brisée.

Mon frère perd la face quelques instants face à la menace Bilbon Sacquet, et je lui colle une nouvelle claque sur l'épaule pour le ramener à moi.

"Ne jamais douter de l’opiniâtreté des semi-hommes. Ce Hobbit m'aura au moins appris cela."

Et pour traverser la Terre du Milieu d'un bout à l'autre ou presque quand on a jamais quitté les abords de son jardin, sans parler de supporter la proximité de treize nains durant le voyage... il en faut de l’opiniâtreté.

Je suis d'abord mon frère à travers les couloirs, jusqu'à ce que la présence d'un nombre important d'étrangers à la cité me fasse changer de direction. Autant Estel assure ne rien avoir à faire avec le destin de la Terre du Milieu, prônant plutôt que sa lignée et lui-même seraient davantage une malédiction qu'une bénédiction pour ces terres, autant je sais que quand le destin de ce monde est en jeu, il n'est jamais bien loin.

"Bien sur que si, mon frère. Mais tu sais aussi bien que moi que notre curiosité sera satisfaite bien assez tôt. Peut-être même que Estel lui même possède les réponses à nos questions."

Ce faisant, je ne me rend pas bien compte que, d'instinct, c'est à une autre destination que prévue que j'ai suivi mon frère. La stèle où repose l'épée brisée d'Elendil. Un endroit où nous passons fréquemment, mais qui se trouve être vide de toute présence, comme je l'aurai pressenti.

Elrohir me dit alors que Estel n'aura certes pas fait faux-bond à notre père, et qu'où qu'il ai pu aller avant, il se trouve certainement à présent à ses cotés.

"Sans doute as-tu raison. Nous devrions remonter. Estel viendra à nous, à un moment ou un autre."

J'observe un instant la tapisserie relatant la chute de Sauron posée contre le mur avant d'acquiescer à ses paroles, et rejoindre des lieux plus animés à sa suite. Et puis, je crois que j'ai assez abusé de sa patience jusque là.